Actuellement au Centre Missionnaire pour un temps de formation complémentaire, les pasteurs Nestor Tawaga Sahongou, du Bénin, Sylvain Choumbi, du Gabon, et Joseph Nyényé, de la République Démocratique du Congo –travaillant aussi au Nigéria–, ont bien voulu nous livrer leur expérience de l’importance de la radio sur leur continent, notamment en ce qui concerne les chrétiens et l’évangélisation.
(Article publié dans la Revue « Documents EXPERIENCES » n° 159, juin 2010 : L’Evangile, porté par les ondes, à la conquête de l’Afrique)

Quelle place occupe la radio dans la vie de l’Africain ?

Joseph N.: Elle y a une très grande place, car on la capte sur tout le territoire, sauf dans des villages vraiment très reculés. La quasi-totalité des gens y ont donc accès. Elle est beaucoup plus utilisée que les journaux, et qu’internet ou la télévision, qui ne sont disponibles que dans les villes…

Nestor T.: Tout le monde a sa radio au Bénin, même le paysan dans son champ! Et il y a beaucoup de radios locales, qui utilisent toutes les langues locales, ce qui est très important!

Sylvain C.: La radio est très écoutée. Il y a des heures d’écoute précises, pour certaines rubriques et annonces, qui sont très attendues et que les gens écoutent systématiquement.  Mais les gens l’écoutent aussi dès qu’ils n’ont rien d’autre à faire, et se déplacent souvent avec leur radio… Même les enfants ont leur propre poste, du plus grand au plus petit!

J.N.: Les chrétiens aussi écoutent beaucoup la radio ! C’est un moyen de communication incontournable en Afrique. Il y a d’ailleurs un véritable foisonnement de chaînes. Mais il ne faut pas homogénéiser l’Afrique, car la situation est différente selon les pays. En République Démocratique du Congo par exemple, chaque Eglise a sa propre chaîne de radio, il y en a des dizaines! Elles sont contrôlées par le ministère de l’éducation et doivent lui montrer leurs programmes pour recevoir la permission de les passer… Par contre au Nigéria, la radio reste nationale, et il faut acheter des espaces de temps pour passer des programmes.

 

A-t-elle une influence directe dans la population?

N.T.: Pour les chrétiens, mais aussi les païens, les radios locales sont très utiles, car ils entendent prêcher dans leur propre dialecte. Dès qu’une radio chrétienne s’installe, les gens n’écoutent plus que ça!

J.N.: Au Nigeria, je travaille avec l’un des premiers pasteurs à avoir parlé à la radio, et c’est vrai qu’il a eu un grand impact. Ça aide à atteindre la multitude!

S.C.: Les hommes de Dieu sont très connus par leurs émissions, et les prédications à la radio ont un grand auditoire. C’est pour nous une opportunité que ce secteur se soit développé. Chaque Eglise devrait avoir une radio! Surtout que l’Etat nous aide à les mettre en place, et les favorise, du moment qu’on ne parle pas de politique… Beaucoup de gens viennent aux réunions après avoir entendu l’annonce passée à la radio. Cela fonctionne beaucoup mieux que de poser des affiches! De plus, nous n’avons pas la culture de la lecture comme vous, les Européens. Tout le monde ne peut pas lire la Bible facilement en Afrique, mais tous peuvent l’écouter!

N.T.: Oui : beaucoup de gens n’ont pas de lunettes, mais en auraient besoin. Comment lire alors? Et pour ceux qui n’ont pas été à l’école et ne savent donc pas lire?

S.C.: En effet, mieux vaut offrir une radio qu’un journal pour évangéliser !

 

Les musulmans sont-ils touchés aussi ?

S.C.: Oui, c’est aussi un très bon moyen pour évangéliser les musulmans, car ils peuvent écouter discrètement, hors du contrôle de l’islam…Nous avons ainsi vu  beaucoup de femmes de musulmans se convertir, ou encore des hommes très ancrés dans l’islam! Beaucoup d’inconvertis écoutent les radios chrétiennes chez eux, même s’ils ne le montrent pas dehors, et se convertissent…

N.T. : Et beaucoup de gens, parfois même de vrais malfaiteurs, viennent nous dire qu’ils se sont convertis en écoutant la radio. Jusque dans les prisons, les gens écoutent : c’est un moyen sans limites! On ne peut pas mesurer tout l’impact qu’aura eu la radio. Un grand nombre de personnes auront été sauvées en l’écoutant chez elles, sans qu’on le sache.

Les Etats aussi apprécient l’œuvre des radios chrétiennes, car les prédications sur la paix désamorcent les guerres civiles. Certains chefs d’Etat invitent même les pasteurs à parler de la paix de Dieu à la radio! Au Bénin, c’est un frère en Christ qui a été élu président alors qu’il n’avait jamais fait de politique. Tous les mardis, des pasteurs viennent chez lui pour prier, et le pays se transforme de jour en jour! Cela a été rendu possible grâce aux radios chrétiennes, dont notre radio F.M., commune aux Eglises évangéliques du pays: «Radio Maranatha».

S.C.: Quand on voit, ici, que la France ne laisse pas de place aux programmes religieux à la radio, on ne comprend pas. C’est vraiment dommage…

 

N’y a-t-il pas aussi des aspects négatifs ?

N.T.: L’un des problèmes, c’est que même les sectes ont des programmes sur les radios nationales, et peuvent troubler les gens. On les entend souvent, et ils ont plus d’argent que nous pour avoir les bonnes heures d’écoute. Il est donc important d’être présents sur les ondes pour contrer ce qu’ils disent à la radio. Même les sorciers y parlent, annoncent leurs réunions…

S.C.: Heureusement, sur les chaînes chrétiennes, on peut refuser de passer leurs émissions! C’est aussi pour cela qu’il est bon d’avoir sa propre chaîne de radio… les auditeurs savent d’où vient leur programme.

J.N.: Mais attention, le foisonnement de trop de chaînes chrétiennes peut quand même être négatif…

N.T.: Pourtant, la radio est quand même très importante pour les chrétiens, car ils sont édifiés chez eux au lieu d’écouter des chaînes païennes. En plus, cela corrobore ce que leur dit leur pasteur, et cela permet aussi aux personnes âgées, à ceux qui sont loin, ou malades, d’être édifiés dans leur langue locale…

S.C.: La radio reste un moyen indispensable à l’annonce de l’Evangile en Afrique et a déjà porté beaucoup de fruits. Elle dépasse de très loin la télévision et l’écrit. L’Europe y a contribué, comme le fait par exemple le frère Charles Guillot, qui nous a aidés à mettre en place la radio évangélique nationale «Radio Bonne Nouvelle» au Gabon. Son ministère porte du fruit !

Entretien recueilli par Gwen-Eric Keller


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