A gauche du pasteur Charles Guyot : le pasteur Alphonse Téyabé, fondateur de Radio Salaaman… (photo « Radio Salaaman »)

Depuis le 28 août 2004, « Radio Salaaman » proclame sur les ondes le message de l’Evangile dans la région fortement islamisée de Garoua, au Nord-Cameroun…

Que de chemin parcouru en quelques années, depuis que les premiers mots ont retenti à l’antenne!

Ce chemin, le pasteur Alphonse Téyabé – principal initiateur de la station, et aujourd’hui son directeur – l’a fraternellement retracé pour les «Documents Expériences».

Jeune chrétien fortement engagé, à la fin des années 1990, dans l’évangélisation de cette terre aride du Nord-Cameroun, A. Téyabé «rêve» – c’est son mot même – d’une radio chrétienne, afin que, franchissant littéralement les murs, l’Evangile atteigne celles et ceux qui ne peuvent l’entendre, notamment les femmes musulmanes souvent recluses, vivant en vase clos… Il en rêve, mais surtout, avec d’autres, il prie pour ce projet qui lui paraît hors d’atteinte à vues humaines.

Une rencontre providentielle en France…

Et les portes vont s’ouvrir, en leur temps: au début des années 2000, A. Téyabé suit au Centre Missionnaire Evangélique de Bretagne, à Carhaix, une formation pastorale: «J’ai été fortement influencé par l’atmosphère spirituelle au Centre Missionnaire Evangélique de Bretagne en France pendant ma formation pastorale et théologique, où j’ai suivi avec passion les enseignements qui ont redynamisé ma vie spirituelle»  dit-il.

C’est aussi durant ce séjour en France que, providentiellement, il «croise les pas» du pasteur Charles Guillot, tout d’abord par la lecture d’un numéro des «Documents Expériences» consacré à l’évangélisation sur les ondes (N° 111), puis en personne, au cours de l’automne 2002.

Là s’esquisse un projet de collaboration, qui va rapidement prendre corps: de retour au pays, A. Téyabé organise avec Ch. Guillot deux séminaires à l’intention des églises de la ville de Garoua: l’un de sensibilisation à «l’outil radiophonique», l’autre de formation, qui apporte les compétences élémentaires à 25 speakers, speakerines et techniciens.

Le matériel arrive du Danemark

Puis, en 2004, le matériel de base arrive du Danemark, grâce au journaliste Henri Nissen, de même que l’autorisation gouvernementale d’émettre…

Et Radio Salaaman – «la fréquence de la paix» – porte l’Evangile sur les ondes F.M., avec un matériel provisoire installé dans une petite chambre qui fait office de studio et de régie, et où règne une chaleur étouffante, qui devient éprouvante après cinq minutes au micro, se souvient le pasteur A. Téyabé.

Au micro de Radio Salaaman, dans le studio de Garoua, au Cameroun… (photo « Radio Ebène »)

Aujourd’hui, la radio diffuse des dizaines de programmes d’évangélisation et de développement sur l’ensemble de la province de Garoua, dans plus de douze langues et dialectes: «La Radio Salaaman est une radio évangélique, sa ligne éditoriale est clairement définie et se veut conforme à la Bible. Une grille des programmes est spécialement élaborée pour faciliter la diffusion des différentes émissions qui sont bâties autour des préoccupations telles que: l’édification chrétienne (enseignements, messages, témoignages, musiques, jeux bibliques, informations sur la vie des communautés, etc.), l’évangélisation, l’agriculture, l’élevage, la santé, l’éducation  aux droits de l’Homme, (etc.).

Nous travaillons en collaboration avec les églises en nous basant sur la charte de «non agression» (on évite les différents doctrinaux, tout en ne prêchant que Christ et en encourageant le respect mutuel).

Au fil du temps et compte tenu de la notoriété de la radio, la collaboration avec l’administration de la région s’est renforcée et nous sommes en partenariat avec certaines radios au pays et à l’étranger d’où nous recevons certains programmes…», nous confie son directeur.

«Presque toute la population était ravie !»

Ce qui ne signifie nullement que le chemin fut aisé. Comme toute œuvre pionnière, la station a connu difficultés et obstacles: «Une œuvre chrétienne ne reçoit pas toujours l’approbation des hommes. C’est ainsi que nous avons rencontré des incompréhensions de la part des hommes d’église qui ne réalisaient pas tout de suite le bien-fondé de cette initiative…» poursuit-il.

De même, sans soutien financier de la part des églises ou des administrations, les premiers temps sont difficiles: «Il fallait partir par la foi et ne compter que sur la grâce de Dieu. Ce qui a été une expérience très enrichissante car Dieu était à l’œuvre pour accomplir sa Parole…»

Mais les «fruits» sont tout aussi rapidement visibles et encourageants: «Les premiers résultats ont été très satisfaisants parce que c’était la première fois qu’une radio chrétienne émettait dans la région, et c’est presque toute la population qui était ravie. Nous avons reçu les encouragements et les appels de personnes en détresse ayant suivi des émissions et voulant «mettre leur vie en règle avec Dieu». De ce nombre on peut citer les musulmans et les marabouts qui se sont convertis et plusieurs autres personnes qui ont été guéries physiquement et spirituellement. Tous les jours, nous recevons les auditeurs qui viennent sur place, qui écrivent ou appellent pour poser leur problème ou nous encourager et même demander l’augmentation des heures de diffusion…

Des personnes nous approchent pour des conseils, et même des personnes que nous conduisons directement à Christ. Pour le «suivi», nous prenons généralement rendez-vous avec les gens concernés. D’autres, nous les confions aux pasteurs des églises plus proches de leur lieu d’habitation. Toutefois, nous avons pensé mettre sur pied un département de conseil et de suivi pour être plus efficaces» explique A. Téyabé.

«Notre travail n’est pas vain !»

Aujourd’hui, Radio Salaaman a en outre créé une fondation pour secourir les plus pauvres, son propre journal «Artisan de Paix», et elle soutient plusieurs autres stations radio du pays.

Le pasteur Alphonse Téyabé, secrétaire général du Conseil des Eglises protestantes du Nord-Cameroun, est aussi formateur à «Radios Ebène», et il travaille toujours à la mise en œuvre des émissions radio:

«Après toutes ces années, je me rends compte que s’il n’y avait pas de radios chrétiennes ici, il faudrait les créer. S’il faut considérer les résultats obtenus dans presque tous les domaines de la vie, je ne peux que bénir Dieu qui a permis ce réveil au travers des différentes radios.

Je souhaite que dans l’avenir le nombre des radios puisse s’accroître pour une grande propagation de l’Evangile…

La plus grande joie dans ce travail c’est de voir les hommes et les femmes sauvés, transformés, et épanouis au travers des émissions évangéliques. Cela montre qu’on ne travaille pas en vain.

Ensuite, travailler avec des collaborateurs qui ont réellement saisi la vision et sont enflammés par le zèle de communiquer l’Evangile.

Puis, la participation de la radio à la formation de la société par des émissions à caractère social et son impact sur la vie économique dans la région.»

Sous la pression constante de l’Islam…

Les radios chrétiennes africaines restent confrontées à de nombreuses difficultés: coût du matériel, problème d’en trouver sur place, formation et soutien des intervenants…

Et la pression de l’islam qui demeure forte: «L’une des principales difficultés dans l’évangélisation de l’Afrique et particulièrement au Cameroun, trouve sa substance dans la pauvreté…

Sur ce point, l’islam fait des ravages par la stratégie que pratiquent ses «missionnaires». Ils s’installent dans les villages en mettant en place des échoppes et accordent des crédits aux villageois. Naturellement, ces crédits ne pourront pas être remboursés et les prêteurs les obligeront à se convertir à l’islam pour que la dette soit effacée. D’autre part, les musulmans qui se convertissent sont rejetés par leur famille et ne trouvent pas de structures d’accueil ni de soutien pour l’épanouissement dans leur nouveau statut.

En ce qui concerne les déviations, et les fausses doctrines dans les églises, les fidèles semblent apprécier de plus en plus le libertinage au détriment de la saine doctrine. Les prédicateurs utilisent les messages de prospérité pour haranguer les foules» analyse A. Téyabé.

Regard sur l’Occident, depuis la terre d’Afrique…

Lui qui a bien connu nos pays occidentaux souligne enfin la grande différence qui existe entre les deux «champs missionnaires» que sont l’Afrique et l’Europe déchristianisée:

«Les émissions d’évangélisation vont, selon moi, davantage s’intensifier en Afrique et même dans le reste du monde parce qu’on note un certain réveil… Par contre en Europe, on a l’impression que les Européens sont de plus en plus réfractaires aux émissions évangéliques. En Europe, il est difficile de parler de l’Evangile à un individu tout d’abord parce que la société a des règles coercitives. Ensuite, il y a la vision matérialiste européenne qui laisse croire que Dieu ne peut rien apporter. Le rationalisme augmente l’incrédulité dans les cœurs. Pourtant en Afrique, bien que la pauvreté soit un fléau, elle est une raison de plus qui pousse les Africains à espérer en la manifestation de l’amour de Dieu.»

C’est pourquoi, chaque jour, Radio Salaaman, «la Fréquence de la Paix», porte avec persévérance le message de la paix du Christ, de l’Evangile qui transforme  cœurs et vies, sur les ondes qui parcourent la contrée de Garoua.

S.C.


Article publié dans la revue “Les Documents Expériences” n° 159, juin 2010 :
L’Evangile, porté par les ondes, à la conquête de l’Afrique
Site internet de la revue « Les Documents Expériences »